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Les services linguistiques communautaires pour migrants

L'engagement social d'ICVolontaires dans le domaine de la traduction et de l'interprétariat
Brigitte du Brésil, vivant au Canada (gauche) et Chantel de l'Afrique du Sud, discute de l'interprétariat communautaire. Photo © V. Krebs.
Brigitte du Brésil, vivant au Canada (gauche) et Chantel de l'Afrique du Sud, discute de l'interprétariat communautaire. Photo © V. Krebs.
Irene Amodei
19 novembre 2007

...les traducteurs et les autres professionnels qui travaillent avec les langues dans des relations sociales aussi complexes, doivent être conscientes des implications linguistiques du fait que la capacité d'utiliser certains genres, discours etc. peut bien devenir un instrument de pouvoir.

                                                               Hatim et Mason

Les interprètes et les traducteurs communautaires répondent à un besoin social croissant dans les sociétés modernes multiculturelles et leur rôle est d'une importance vitale si on veut que l'accès aux services publics ne soit pas limité ou conditionné par des barrières linguistiques ou culturelles.

Ce thème crucial a été au centre d'une table ronde qui a eu lieu à Genève le 19 septembre 2007 et qui a été l'occasion d'un échange intense entre les bureaux nationaux d'ICV qui participent au projet "Langues et Migrations" et autres associations engagées dans ce domaine particulier (notamment Migraf et Appartenances).

L'interprétariat communautaire

Au cœur de la rencontre a été la définition du rôle, les perspectives et les enjeux des services linguistiques communautaires. L'appellation interprétariat communautaire permet aux migrants qui ne parlent pas couramment la langue officielle du pays d'accueil de communiquer et d'avoir un accès plein et égalitaire aux informations et aux services statutaires (juridiques, sanitaires, éducatifs...) et, en dernier lieu, de s'intégrer à la nouvelle société.

L'interprétariat social est un droit  pour la personne qui en bénéficie - qu'elle soit à l'hôpital, en prison ou dans une organisation d'aide aux réfugiés - mais c'est aussi une profession très difficile, qui requiert une formation spécifique interlinguistique et interculturelle. Comme souligné par Monsieur Magueye Thiam, président de l'Association Migraf et interprète pour la Croix-Rouge Genevoise "l'interprète communautaire doit être capable de gérer le stress, la pression, l'émotion du moment et de transmettre le message verbal mais aussi le message non-verbal." L'interprète communautaire agit normalement dans un contexte asymétrique où la distribution du pouvoir entre ceux qui accèdent aux services et ceux qui les offrent est inégale. Ce que signifie qu'il ou elle doit "comprendre les défis interculturels et faire le lien entre la loi et la culture où le dialogue a lieu."

"Les interprètes communautaires sont en effet des ponts culturels grâce à leur double connaissance,  tant dans le domaine de la traduction que celui de la médiation," a commenté Olga Markovic Wagnieres, membre d'Appartenances. Même si la tâche de conciliateur est généralement placée en dehors de la traditionnelle sphère de compétences d'un interprète, les interprètes communautaires agissent souvent en tant que négociateurs de différences sociales et linguistiques, en offrant aux migrants un environnement commun pour communiquer.

Julia Puebla Fortier, directrice de Resouces for Cross Cultural Health Care, s'est concentrée particulièrement sur l'interprétariat dans le domaine de la santé et des soins médicaux. Son organisation, basée à Washington D.C., travaille avec un certain nombre de communautés ethniques pour fournir des connaissances essentielles et offrir une assistance sanitaire appropriée aux différents milieux culturels. Les services de l'organisation incluent la création de programmes, le développement et l'étude de politiques et d'analyses, la recherche et le soutien aux communautés. Un exemple tiré du projet "Linguistic and Cultural Competence Standards" décrit le cas d'une vieille femme bosniaque hospitalisée pour un cancer en phase terminale: "Sa situation peut poser les défis suivants à l'équipe et aux organisations hospitalières: ni elle ni sa famille lisent, parlent ou comprennent l'anglais; le fait qu'elle soit musulmane requiert une certaine modération pendant les examens physiques; sa famille peut avoir des raisons culturelles pour ne pas discuter de sa mort imminente et des questionnes liées. Une réponse culturellement et linguistiquement appropriée doit inclure la disponibilité d'un interprète, la traduction de la documentation sanitaire; des discussions délicates sur le consentement au traitement; une équipe hospitalière qui sache aborder et négocier des questionnes culturelles; des choix alimentaires appropriées. L'offre de ces services peut améliorer la condition du patient et aussi l'efficacité des soins offerts."

Méthodologies et projets

En passant des prémisses théoriques aux études et pratiques concrètes, le cadre émergé de l'évaluation des différents projets et méthodologies a été de la plus grande variété par rapport à l'approche, aux contraintes et aux réponses mises en place pour faire face aux enjeux de l'interprétariat et aux besoins des migrants dans le monde.

Les échanges de cette table ronde ont aussi mis en évidence l'interaction de facteurs comme l'existence de dispositions légales, d'accords institutionnels pour l'offre de services d'interprétariat ou d'un système d'accréditation et de certification fournit par les autorités ou par l'ordre professionnel. Pour identifier les besoins et les moyens existants et illustrer les tendances dominantes, des données ont été collectées à travers entretiens, enquêtes de terrain, questionnaires et recherches par les volontaires d'ICVolontaires en Suisse, Espagne, France et Afrique du Sud. La mise en oeuvre initiale du projet a déjà commencé en Espagne et une étude de faisabilité va bientôt être présentée en Suisse.


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